Hoppa yfir valmynd
Paris-FR

Le monde a besoin de femmes leaders - il a surtout besoin de leaders féministes

Katrín Jakobsdóttir, Première ministre d'Islande, et Audrey Azoulay, Directrice générale de l'UNESCO - mynd

PARIS et REYKJAVIK - Alors que chaque année, la Journée internationale des femmes est l’occasion de célébrer les accomplissements des femmes du monde entier, mais aussi de rappeler le chemin à parcourir pour prétendre à l'égalité des genres, cette édition 2021 prend une résonnance particulière, tant la crise de la COVID-19 affecte les filles et les femmes de façon disproportionnée. 

Les femmes ont beau jouer un rôle essentiel dans la réponse à la crise, dans tous les domaines, le résultat reste le même : avec cette pandémie, les inégalités entre les genres s’exacerbent. En matière d’éducation, 767 millions de femmes et de filles ont été touchées par les fermetures d'écoles. Onze millions d’entre elles risquent de ne jamais retourner en classe, et de s’ajouter aux 132 millions de jeunes filles déjà déscolarisées auparavant. D’un point de vue économique, le constat est le même : en faisant basculer dans la pauvreté 47 millions de femmes et de filles supplémentaires, les femmes sont particulièrement victimes de la récession qui s’installe, ce qui menace leur indépendance économique et les rend d'autant plus vulnérables aux violences et aux discriminations de genre. 

Face à cette situation, il nous faut nous interroger : de quel type d’incarnation et de modèle le monde a-t-il besoin pour atteindre l’égalité des genres, si c’est bien là un objectif réel et partagé ? 

Compter le nombre de femmes occupant les plus hauts postes de pouvoir ne suffit pas. Aucune femme ne pourra, depuis les hauteurs, effacer à elle seule les conséquences négatives de la crise que nous traversons, d’autant moins que cette crise est grave et compromet vingt-cinq ans de progrès de la communauté internationale, depuis l’adoption de la déclaration de Pékin sur les droits de la femme.

Au lieu de personnes isolées, nous avons plutôt besoin de militantes et de militants pour l’égalité des genres – et c’est partout, dans l’ensemble des structures de nos sociétés, que nous en avons besoin. Des leaders de tous âges, de toutes les identités de genre et de tous les milieux ; qui ne soient seulement actrices et acteurs du changement - mais qui le conçoivent et qui l’aiguillonnent, qui l’incarnent aussi, afin d’être une source d’inspiration ; qui n’hésitent pas à dénoncer les injustices et l'inégalité des chances ; qui sachent, enfin, que les inégalités entre les genres découlent de la discrimination et de l'exclusion et que ce sont les premiers obstacles auxquels nous devons nous attaquer. 

Des militantes et des militants féministes qui s’attaquent aux structures de pouvoir ; qui soulignent et déconstruisent toutes les formes d'exclusion et de marginalisation : qui éprouvent de l'empathie pour les personnes vulnérables ; qui se font les porte-paroles de ceux qu’on n’entend pas ; qui ouvrent de nouvelles portes et prennent des risques ; qui dénoncent courageusement les injustices, même les plus dissimulées ; et démasquent les obstacles structurels qui perpétuent les inégalités. 

Il n’y a pas besoin de chercher ces femmes bien loin. Elles sont là, sous nos yeux, qu’il s’agisse celles qui se mobilisent pour les droits des communautés autochtones ; des têtes de proue qui mobilisent leur génération pour sauver la planète ; ou des artistes qui élèvent leur voix et leurs plumes pour promouvoir la justice sociale.

Ces femmes, vous les connaissez. Citons par exemple Azata Soro, actrice, réalisatrice et productrice qui a dénoncé le harcèlement sexuel et la violence dans l'industrie cinématographique africaine ; ou encore Maria Ressa, qui a eu le courage de faire ce journalisme d’investigation, au risque de la prison. On pourrait aussi évoquer le nom de Yande Banda, défenseuse infatigable de l'éducation des filles en Zambie et d’ailleurs ; ou de Katalin Karikó, qui a surmonté les nombreux obstacles auxquelles se heurtent les femmes dans les voies scientifiques, pour finalement jouer un rôle déterminant dans le développement du vaccin Pfizer-BioNTech. Ces parcours, ces destins méritent d’être mieux connus, car ils bousculent les certitudes de certains et illustrent le rôle que les femmes ont à jouer pour ouvrir le champ des possibles. 

Le leadership féministe n'est toutefois pas l'apanage des femmes. Car l'égalité de genres n'est pas seulement un combat de femmes, c’est un combat pour la justice sociale dans lequel les hommes ont aussi un rôle à jouer. Là encore, ils sont nombreux à s’impliquer, à l’image du Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais, qui s’est vu remettre le prix Nobel de la paix pour son action contre le recours au viol comme arme de guerre et de terreur.

En cette Journée internationale des femmes, nous prenons l’engagement solennel de former, par l'éducation, les générations futures de leaders féministes. Nous nous déclarons également solidaires des femmes qui osent créer et nous leur assurons de notre détermination à les protéger, de la censure comme des attaques. Nous appelons également la communauté internationale à assurer la sécurité des femmes journalistes, en particulier celles dont les reportages s'attaquent aux inégalités entre les genres. Nous nous tenons enfin également aux côtés des hommes qui osent se sentir concernés, qui osent rejeter les stéréotypes liés aux formes toxiques de masculinité, qui osent laisser les femmes contribuer aux prises de décisions, comme aux découvertes scientifiques et à l’innovation. 

Nous avons donc la responsabilité de soutenir ces leaders féministes, d’où qu’elles viennent. Pour le bénéfice des femmes et de l’égalité des genres, mais plus généralement pour l’ensemble de nos sociétés – car c’est de cela dont il est question.

Audrey Azoulay, Directrice générale de l'UNESCO.

Katrín Jakobsdóttir, Première ministre d'Islande.

Tags

Contact us

Tip / Query
Spam
Please answer in numerics